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Loyers manifestement surévalués et régulation des loyers

ANIL, extrait d'Habitat Actualité, novembre 2010


Récemment, le secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu, alors qu’il se présentait incognito à la recherche d’un logement, s’est vu proposer des loyers, exorbitants à ses yeux, pour des logements de petite surface. C’est ce qui l’a conduit à demander à Isabelle Massin, présidente de la Commission Nationale de Concertation, de lui faire des "propositions concrètes qui contribuent à mettre un terme à cette pratique".

Cela pose à nouveau la question de la régulation des loyers.

Comment se présente-t-elle en France ?

La loi du 6 juillet 1989 avait prévu un double dispositif en matière de loyers.

Pour les nouvelles locations

  • Liberté des loyers dans les cas suivants : logements neufs, logements vacants ayant fait l’objet de travaux de mise aux normes, logements conformes aux normes faisant l’objet d’une première location ou logements vacants ayant fait l’objet depuis moins de 6 mois de travaux d’amélioration équivalant à au moins une année du loyer antérieur (loi du 6.7.89 : art.17 a) ;
  • régulation des loyers pour les autres logements mis en location, notamment les relocations à la suite d’un changement de locataire : le loyer était alors fixé par référence aux loyers du voisinage (art.17 b modifié par la loi du 21 juillet 1994). Cette mesure devait s’appliquer jusqu’au 31 juillet 1997. Avant cette date, la loi prévoyait que le Gouvernement devait présenter au Parlement "un rapport d’exécution permettant d’établir la comparaison entre l’évolution des loyers des logements vacants selon qu’ils relèvent du a du b ou du c".

Pour les renouvellements de baux

La loi limitait en principe l’augmentation du loyer en fonction de l’indice de révision des loyers en vigueur. Si toutefois le bailleur justifiait que son loyer était sous-évalué, il pouvait proposer une augmentation en fonction des références du voisinage (art.17 c).
L’Assemblée nationale ayant été renouvelée en  juin 1997, le nouveau Gouvernement de l’époque n’a pas soumis de projet de loi au Parlement avant le 31 juillet 1997. De ce fait le dispositif, qui prévoyait l’obligation de fournir des références fondées sur les loyers du voisinage pour augmenter les loyers de relocation (art.17 b) en fonction du marché, est tombé mécaniquement.
Depuis le 1er août 1997, la fixation de tous les loyers en cas de première ou de nouvelle location se fait donc librement.
Le dispositif de fixation du loyer en fonction des références du voisinage ne subsiste qu’en cas de renouvellement des locations. Il s’applique en cas de sous évaluation du loyer.

En revanche, aucune disposition ne fait référence à la surévaluation du loyer.

Les expériences étrangères

Les loyers sont particulièrement encadrés dans les pays où le parc locatif loge la plus forte proportion des ménages. C’est le cas de l’Allemagne et de la Suisse, où la latitude de décision du bailleur est faible et le niveau de protection des locataires élevé, tant du point de vue de leur droit au maintien dans les lieux que de celui de l’évolution de leur loyer. Contrairement au discours des associations de propriétaires, la protection du locataire, loin de nuire au fonctionnement du marché locatif, semble donc le favoriser.
Il existe un seul contrat de bail en Allemagne et celui-ci s’applique quel que soit le bailleur, social ou privé, personne morale ou personne physique et quel que soit le locataire.
Le bail est nécessairement de durée indéterminée et le congé pour vente n’existe pas. Le locataire jouit donc d’un quasi droit de maintien dans les lieux. Plus de neuf logements locatifs sur dix appartiennent au secteur "libre", c’est-à-dire que le bailleur peut choisir son locataire et, en principe, fixer librement le loyer. En réalité, cette liberté est fortement restreinte car, outre que la durée du bail est illimitée, les augmentations de loyer sont assez strictement encadrées. Elles ne peuvent ni dépasser 20% en trois ans, ni porter le loyer au-delà du loyer de référence, du quartier ou de la rue, selon les villes. Il est possible de négocier le niveau de loyer en cas de relocation, mais en aucun cas au-delà d'un montant excédant trop largement le loyer de référence. Un loyer de relocation supérieur de plus de 20% aux loyers de référence encourt une sanction pénale. La plupart des communes publient les loyers pratiqués sur leur territoire, ventilés selon l’année de construction, l’état du bâti et l’équipement du logement. Ces listes - ou miroirs des loyers - servent de référence. Dans une zone qui ne serait pas couverte par un miroir des loyers, le locataire peut théoriquement demander au juge que soit réalisée une expertise. Une exception à ces règles d’augmentation des loyers a été introduite pour favoriser les travaux de maîtrise de l’énergie : le bailleur peut répercuter sur le locataire 11% du coût de l’investissement. Le gouvernement vient d’annoncer son intention d’augmenter ce pourcentage pour accélérer la réalisation de travaux de maîtrise de l’énergie(1).

La logique de la politique suisse de régulation des loyers s’explique d’abord par le souci de la protection du locataire(2). C’est ce qui explique que les augmentations de loyer ne peuvent être justifiées que par une augmentation des coûts supportés par le propriétaire. Les critères suivants entrent en ligne de compte(3) :

  • "variation du taux hypothécaire de référence ;
  • variation de l'indice suisse des prix à la consommation (à raison de 40%) ;
  • variation des charges d'exploitation et d'entretien ;
  • travaux à plus-value ou prestations supplémentaires du bailleur."

Ce dispositif peut jouer à la hausse comme à la baisse. Cependant, indépendamment du calcul selon les critères mentionnés ci-dessus, le bailleur peut, le cas échéant, refuser la baisse du loyer dans les deux cas suivants :

  • "Le rendement de l'immeuble est insuffisant, soit ne lui permet pas :
    • de couvrir ses charges hypothécaires réelles et ses charges d'exploitation et d'entretien,
    • d’obtenir un rendement de ses fonds propres égal au taux hypothécaire de référence majoré d'un demi pour cent.
  • Le loyer est conforme aux loyers usuels dans la localité ou le quartier. La preuve de la conformité aux loyers usuels doit être apportée par le bailleur, en présentant au moins cinq exemples [de logements] comparables quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction".

Des autorités de conciliation cantonales, régionales ou communales existent partout en Suisse. Elles ont pour tâche de conseiller locataires et bailleurs pour toute question de droit du bail. Lors de litiges à propos d'un bail (par ex. baisse ou augmentation du loyer), la mission des autorités de conciliation est de trouver un accord à l'amiable. Dans certains cas (congés, prolongation du bail ou consignation de loyer), elles ont un pouvoir décisionnel.


Notes

1. Source : Norbert.Heikamp et ANIL.

2. Cf. Steven C. BOURASSA The Swiss Housing Market.

3. Cf. Chambre vaudoise des propriétaires.

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